Les prospections géophysiques

Plusieurs campagnes de prospections géophysiques ont été réalisées à Mégara entre 2008 et 2021, à l’initiative et sous la supervision d’Henri Tréziny. Après une première tentative en 1979, restée lettre morte car très partielle et difficilement exploitable, un programme cohérent a vu le jour. Les prospections ont concerné divers secteurs, impliqué deux opérateurs et poursuivi divers objectifs, avec néanmoins un but principal : restituer l’urbanisme antique de la ville dans les zones non ou très peu fouillées.

Les principales prospections géophysiques 2008-2021 (élaboration: F. Mège; fond: Geoportale)

 

Les prospections Geocarta 2008 – 2010

Entre 2008 et 2010, la société Geocarta a conduit trois campagnes dans la partie Ouest de Mégara, dans des secteurs situés au Nord de la porte archaïque Ouest, autour du « sanctuaire Nord-Ouest » et au Sud-Ouest de la ville archaïque. Les techniques de prospections utilisées étaient tout d’abord électriques, dites de « résistivité » (ARP : Automatic Resistivity Profiling), complétées par des relevés magnétiques (ou de « susceptibilité »).

Localisation des prospections Geocarta 2008-2010 (élaboration: Geocarta)

En 2008, les prospections se sont concentrées dans le secteur de la porte archaïque Ouest. Les abords de cette dernière, dégagée par Orsi et Cavallari en 1889, avaient été fouillés par H. Tréziny en 2006, qui y avait notamment mis en évidence deux rues Nord-Sud dont l’orientation se rapprochait d’une autre rue découverte en 1951 par Vallet-Villard, plusieurs centaines de mètres à l’Est, le long du « tempietto B ». Il y avait donc matière à restituer un autre système de rues Nord-Sud, appelées rues E, différentes des autres rues Nord-Sud C, D, X et Y. L’idée des prospections géophysiques était donc de suivre plus au Nord les rues E21 et E22 mises au jour près de la porte archaïque Ouest.

La zone du « sanctuaire Nord-Ouest », en partie connue par les fouilles Orsi 1917-18, 1920, 1922 et Vallet-Villard 1950-52, a été incluse dans la suite du programme en 2009 : ici, il s’agissait également de retrouver les rues E, cette fois-ci au Nord de la grande rue Est-Ouest A, mais aussi de détecter des traces d’habitat et d’artisanat aperçues lors des fouilles anciennes.

Enfin, le quart Sud-Ouest de la ville archaïque a été exploré en 2010, toujours dans l’optique de retracer l’organisation urbaine dans une région très mal connue de la ville antique.

 

Les prospections de l’Université de Bradford 2011 – 2013

En 2011, un partenariat a été noué avec l’Université de Bradford (UB), représentée par Ian Armit, professeur d’archéologie. L’université possède en effet un département où évolue Chris Gaffney, professeur de sciences archéologiques et spécialiste des prospections géophysiques. Deux axes de recherche principaux ont été définis. Le premier concernait la ville hellénistique et visait à vérifier certains points, dans la perspective de la publication alors en cours (Mégara 7 : cf. Tréziny 2018 dans les publications). Le second devait compléter les travaux de Geocarta sur la ville archaïque.

Localisation des prospections de l’UB: 2011 (à-plats bleus), 2012 (à-plats jaunes), 2013 (à-plats blancs) (élaboration: F. Mège; fond: Geoportale)

En 2011, les archéologues de l’UB ont notamment misé sur une technique particulière, le géoradar (GPR : Ground-Penetrating Radar), et sur des prospections magnétiques. Les secteurs étudiés pour la ville hellénistique se sont concentrés autour de la partie Nord de l’enceinte, à l’Est et à l’Ouest, afin de retrouver ses premières phases (R1A et R1B, cf. Tréziny 2018). La partie Sud-Est de la ville hellénistique a aussi été sondée pour mettre en évidence son organisation. Les prospections à l’Ouest de l’enceinte hellénistique visaient également à poursuivre la documentation de l’urbanisme archaïque, de même que la reprise d’un petit secteur situé sur le bord Est du fossé néolithique.

La prospection par géoradar a été abandonnée en 2012 au profit d’une technique à procédé électromagnétique (EM), qui permet notamment de faire des balayages rapides, donc moins précis, mais sur de grandes surfaces. Évaluée d’abord sur un terrain connu (fouilles du « chantier A » de 1949, rebouchées), elle a ensuite été utilisée surtout autour du « tempietto B » pour intercepter la partie orientale du réseau des rues E (voir plus haut) ; également dans la partie Sud-Est de la ville hellénistique pour confirmer les résultats de 2011.

Enfin, en 2013, les bons résultats de l’EM ont mené l’équipe de l’UB à prospecter des parcelles près de la (probable) porte Sud-Ouest de la ville archaïque. À l’intérieur de l’enceinte, il s’agissait à nouveau de mettre en évidence le réseau des rues E. À l’extérieur, c’était la nécropole Sud-Ouest (aussi appelée « nécropole Oliveri ») qui était concernée, notamment les alignements éventuels de structures funéraires monumentales le long d’axes viaires. Une prospection magnétique a également été conduite sur la quasi-intégralité du village néolithique et de ses abords immédiats.

 

Les prospections Geocarta 2021

Les derniers secteurs étudiés par l’UB en 2013 (voir ci-dessus) ont été en bonne partie repris et complété par Geocarta en 2021 par prospections ARP, avec le même objectif de définition de la grille urbaine archaïque. Par ailleurs, en parallèle de la fouille, le quartier du « sanctuaire Nord-Ouest » a été à nouveau prospecté : l’idée était de compléter les données des fouilles 2017-2019 et de préparer celles de 2021, en partie localisées dans l’espace même du sanctuaire.

Localisation des prospections Geocarta 2021 (élaboration: F. Mège; fond: Geoportale)

 

Bilan

L’ensemble des prospections géophysiques de Mégara Hyblaea a permis de faire nettement avancer la réflexion sur l’urbanisme archaïque, notamment avec le réseau des rues de la partie Ouest, jusque-là très partiellement connu. La totalité du système des rues E peut désormais être placé sur la carte de la ville de façon assez précise. Qui plus est, une rue « oblique », la rue G, d’orientation globalement SO-NE, a également été mise en évidence près de la porte Sud-Ouest : auparavant seulement supposée, cette rue reliait la porte en question avec le secteur de l’Arenella, objet des fouilles 2022-2026. D’autre part, les traces de quartiers d’habitat sont nettement apparues en plusieurs secteurs, autorisant des hypothèses sur le lotissement des îlots en question. Le tracé du fossé néolithique est dorénavant bien situé : avec les structures environnantes, découvertes par les fouilles et les prospections, il est donc possible de raisonner sur les rapports entre cet aménagement, peut-être en partie naturel, et l’urbanisme archaïque (sanctuaire et habitat). Enfin, la ville hellénistique n’est pas en reste, puisque les prospections dans sa partie Sud-Est ont permis de montrer (en complément de photos aériennes) que l’urbanisme hellénistique avait très peu perturbé l’organisation antérieure, contrairement au quartier de l’agora.

Auteur: F. Mège